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Treizième jour


Le livreur patientait dans le hall, parcourant d’un œil distrait un vieux journal qui traînait. Son attention fut soudain attirée par un article parlant du vol inhabituel d’un tableau renommé.

Quelque part dans une villa luxueuse de la Côte d’Azur, un homme en costume haute couture discutait au téléphone. “Vous ne pouvez m’en demander un prix pareil, je ne rentrerais pas dans les frais que j’aurais engagé sur cette opération.” dit-il d’un ton agacé. Son interlocuteur rit dans le combiné. “Je ne vous permets pas de rire !”. Mais l’homme semblait moins sûr de lui. “Effectivement, il y aura le prestige d’avoir été le premier à réussir un tel coup.” Il discuta encore un moment avant de conclure : “Bien, je vous rappellerais d’ici deux semaines. Mais n’oubliez pas : celui qui signe le chèque a aussi toutes les informations pour vous faire mettre au frais !” Il raccrocha sur ces paroles d’avertissement.

Le directeur du musée scrutait sa montre avec anxiété, tout en surveillant un écran qui faisait défiler les différentes caméras de son musée. Il attrapa la télécommande pour afficher celle des quais de livraisons à l’arrière du bâtiment. Il attendait d’une minute à l’autre le transporteur qui devait livrer la prochaine collection temporaire sur le thème de Salvador Dali. C’était toujours un moment angoissant de savoir les œuvres sans aucune sécurité. Il avait pris ses précautions bien entendu et la pièce maîtresse de la collection arriverait dans une voiture banalisée. A son grand soulagement, les véhicules qu’il attendait apparurent enfin sur les caméras. Deux hommes en descendirent et s’attellent à amener les œuvres soigneusement emballées à l’intérieur. Le directeur descendit aussitôt les rejoindre et donna ses instructions pour l’installation des pièces dans les salles d’exposition.

C’était le grand jour. Une foule de curieux se pressait à l’entrée du musée attirée par la nouvelle exposition. De son côté, le directeur accueillait les critiques d’art et les personnalités invitées à l’exposition dans la salle principale. Son discours d’introduction fut chaleureusement applaudi et il ressentit une grande fierté en voyant les invités contempler les œuvres. Mais ce sentiment s’évanouit lorsqu’un des critiques d’art les plus renommés, Mr Elwine, cria devant la pièce maîtresse de l’exposition : “C’est un scandale ! Ce tableau est un faux !”. Abasourdi, le directeur se précipita vers l'œuvre. C’était impossible. Il accepta que le tableau soit expertisé par le critique. Ce fut la dernière fois qu’il vit le tableau.

Le livreur fouilla dans sa mémoire : Mr Elwine ne pouvait avoir été à l’inauguration parce qu’il lui avait livré un colis important ce jour-là et le critique lui avait dit qu’il était resté toute la journée chez lui. Le livreur se souvint être venu le soir. Il n’y avait qu’une seule explication : un imposteur avait pris la place de Mr Elwine et prétendu que le tableau était un faux pour pouvoir l’emporter en toute impunité. Mais alors, où pouvait-il bien se trouver ?

Debout dans l’entrée luxueuse de sa villa, l’homme en costume se frottait les mains devant le tableau que tout le monde recherchait. L’expert en art qu’il avait mandaté s’accroupit afin de l’examiner. Derrière le cadre, il découvrit avec stupéfaction un papier comportant ces mots : “J’avais dans l’idée de vous vendre l’original, mais il me plaisait tant que j’ai décidé de le garder pour moi. Voici en dédommagement une copie exécutée par un de mes amis. Amicalement.” Un hurlement de rage s’échappa des lèvres de l’homme. Il avait été roulé !

Commentaires

  1. La chute est géniale ! Je l'adore particulièrement celui-ci de texte, qui est pris qu'il croyait prendre!

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    1. L'idée de celui-ci a légèrement déviée de mon idée de départ mais j'aime bien comment elle a tourné finalement.

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