La planète n’était plus habitable, la troisième guerre mondiale avait tout détruit. Les rares humains survivants avaient dû s’installer dans des bunkers souterrains, véritables villes miniatures, loin du ciel, sans aucun espoir pour nous de revenir à la surface.
La guerre avait laissé la Terre exsangue de tout ce qui fut sa force, telle une coquille vide. Les dernières espèces animales s'étaient éteintes lors de la dernière décennie, terrassées par la pollution. Il ne subsistait désormais que des clones de bétails dans les colonies souterraines, nous permettant de subvenir à nos besoins. Les plus riches et influents d'entre nous pouvaient se permettre de posséder les quelques rares animaux domestiques qui restaient, comme les chiens et les chats. Et les rats, bien sûr, avaient survécu. Ils s’étaient faufilés dans les colonies dès qu’ils avaient pu, devenant maître des tuyaux d’évacuation d’eau ou des gaines d’aération. Rien n’avait pu les faire fuir, mais en même temps, où auraient-ils pu aller ? Le monde extérieur n’existait plus. Et bientôt, nous non plus.
C’était étrange de se dire que nous allions assister à la fin du monde. Nous avions survécu mais cette fois-ci, cela serait compliqué. Je n’en pouvais plus de ce faux soleil électrique, il fallait que je sorte, même une dernière fois, en étant obligé de porter un respirateur. Nous nous étions donc faufilés par les conduits. Autour de la sortie s'étendaient de vastes plaines de terre brûlée, avec ça et là des bâtiments en ruine. La végétation n'avait pas encore repris ses droits, terrassée par les rayons ardents du soleil. Malgré tout, c’était un soulagement de ne plus sentir ces tonnes de béton au-dessus de ma tête. Le ciel était bleu, sans nuage. Je ne pouvais m'empêcher scruter l'astéroïde Hadès qui nous menaçait d'extinction. Comme si mon seul regard pouvait le faire disparaître. Mais c'était inutile. Les grosses puissances mondiales, ou ce qu’il en restait, avaient déjà tout tenté pour modifier sa trajectoire : le faire exploser, le tracter avec un engin spatial, le déplacer en utilisant un moteur ionique. Mais rien n’avait fonctionné. Peut-être que finalement nous avions mérité ce qui nous arrivait.
Malgré notre mort imminente, je n'avais pas peur. Je préférais me souvenir de tous les bons moments que nous avions vécu ensemble, en profitant pour la dernière fois de mon retour à l'air libre. Il suffisait d'un miroir, mon corps était le reflet de mes souvenirs. Je revoyais cette cicatrice que j’avais sur le menton, je me l’étais faite en tombant d’un muret. Sur lequel j’avais grimpé pour t’apercevoir, tu avais été transporté dans une cage.
Ensuite, il y avait eu cette fracture que je m’étais faite en vélo quelques semaines plus tard, quand j’avais décidé d’aller explorer le bois pour te voir. Deux mois sans trop pouvoir faire le zouave, qu’est-ce que ça avait été long.
Des griffures sur mon bras gauche prouvaient mon amour pour les animaux. Mais heureusement toi, tu ne griffais pas.
Une marque circulaire sur mon poignet, quand de la cendre m’était tombé dessus. Nous nous trouvions parmi la foule d’un festival. C’était peu après ton adoption.
Nous avions couru pendant longtemps à travers les chemins des forêts américaines.
Sur mon genou, encore une marque. Cette fois-ci, c’était dans le bunker quand j’avais tenté d’accrocher une photo de nous sur le mur, j’étais tombé du tabouret.
Mais je crois que finalement le plus important n’était pas les cicatrices de ce que j’avais vécu, mais la sensation de ta peau contre la mienne. Nous avions vécu une brève mais belle vie, je suis contente de t’avoir rencontré. Je tenais à te remercier de toutes ces années passées près de toi. Sans ta présence, ma vie aurait été complètement différente. Merci.
Un récit brillant par son style et son rythme; c'est très bien écrit ! Bravo pour celui-là. C'est mon préféré. J'aime aussi beaucoup l'état d'esprit du personnage et l'ambiance paisible d'une fin acceptée et le retour sur ses souvenirs qui font son histoire personnelle.
RépondreSupprimerJ'aurai aimé voir l'animal qui s'est fait adopter par le protagoniste, ou du moins savoir de quel animal il s'agit.