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Vingt troisième jour


La planète n’était plus habitable, la troisième guerre mondiale avait tout détruit. Les rares humains survivants avaient dû s’installer dans des bunkers souterrains, véritables villes miniatures, loin du ciel, sans aucun espoir pour nous de revenir à la surface.

La guerre avait laissé la Terre exsangue de tout ce qui fut sa force, telle une coquille vide. Les dernières espèces animales s'étaient éteintes lors de la dernière décennie, terrassées par la pollution. Il ne subsistait désormais que des clones de bétails dans les colonies souterraines, nous permettant de subvenir à nos besoins. Les plus riches et influents d'entre nous pouvaient se permettre de posséder les quelques rares animaux domestiques qui restaient, comme les chiens et les chats. Et les rats, bien sûr, avaient survécu. Ils s’étaient faufilés dans les colonies dès qu’ils avaient pu, devenant maître des tuyaux d’évacuation d’eau ou des gaines d’aération. Rien n’avait pu les faire fuir, mais en même temps, où auraient-ils pu aller ? Le monde extérieur n’existait plus. Et bientôt, nous non plus.

C’était étrange de se dire que nous allions assister à la fin du monde. Nous avions survécu mais cette fois-ci, cela serait compliqué. Je n’en pouvais plus de ce faux soleil électrique, il fallait que je sorte, même une dernière fois, en étant obligé de porter un respirateur. Nous nous étions donc faufilés par les conduits. Autour de la sortie s'étendaient de vastes plaines de terre brûlée, avec ça et là des bâtiments en ruine. La végétation n'avait pas encore repris ses droits, terrassée par les rayons ardents du soleil. Malgré tout, c’était un soulagement de ne plus sentir ces tonnes de béton au-dessus de ma tête. Le ciel était bleu, sans nuage. Je ne pouvais m'empêcher scruter l'astéroïde Hadès qui nous menaçait d'extinction. Comme si mon seul regard pouvait le faire disparaître. Mais c'était inutile. Les grosses puissances mondiales, ou ce qu’il en restait, avaient déjà tout tenté pour modifier sa trajectoire : le faire exploser, le tracter avec un engin spatial, le déplacer en utilisant un moteur ionique. Mais rien n’avait fonctionné. Peut-être que finalement nous avions mérité ce qui nous arrivait.

Malgré notre mort imminente, je n'avais pas peur. Je préférais me souvenir de tous les bons moments que nous avions vécu ensemble, en profitant pour la dernière fois de mon retour à l'air libre. Il suffisait d'un miroir, mon corps était le reflet de mes souvenirs. Je revoyais cette cicatrice que j’avais sur le menton, je me l’étais faite en tombant d’un muret. Sur lequel j’avais grimpé pour t’apercevoir, tu avais été transporté dans une cage.

Ensuite, il y avait eu cette fracture que je m’étais faite en vélo quelques semaines plus tard, quand j’avais décidé d’aller explorer le bois pour te voir. Deux mois sans trop pouvoir faire le zouave, qu’est-ce que ça avait été long.
Des griffures sur mon bras gauche prouvaient mon amour pour les animaux. Mais heureusement toi, tu ne griffais pas.
Une marque circulaire sur mon poignet, quand de la cendre m’était tombé dessus. Nous nous trouvions parmi la foule d’un festival. C’était peu après ton adoption.
Nous avions couru pendant longtemps à travers les chemins des forêts américaines.
Sur mon genou, encore une marque. Cette fois-ci, c’était dans le bunker quand j’avais tenté d’accrocher une photo de nous sur le mur, j’étais tombé du tabouret.

Mais je crois que finalement le plus important n’était pas les cicatrices de ce que j’avais vécu, mais la sensation de ta peau contre la mienne. Nous avions vécu une brève mais belle vie, je suis contente de t’avoir rencontré. Je tenais à te remercier de toutes ces années passées près de toi. Sans ta présence, ma vie aurait été complètement différente. Merci.

Commentaires

  1. Un récit brillant par son style et son rythme; c'est très bien écrit ! Bravo pour celui-là. C'est mon préféré. J'aime aussi beaucoup l'état d'esprit du personnage et l'ambiance paisible d'une fin acceptée et le retour sur ses souvenirs qui font son histoire personnelle.
    J'aurai aimé voir l'animal qui s'est fait adopter par le protagoniste, ou du moins savoir de quel animal il s'agit.

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Présentation du projet

Bonjour à toi, Lecteur de passage, Pendant vingt-quatre jour, tu vas pouvoir parcourir une multitude d'univers différents. Bon voyage ! Genèse du projet : J'ai proposé à une amie écrivaine un premier projet. Nous choisissions cinq mots chacune, pour écrire chacune dix textes. L'objectif étant d'écrire sur le même mot mais sur deux sens différents. Ce projet est la suite du premier. Nous devions écrire vingt-quatre textes d'une seule page pour faire un calendrier de l'avent textuel. Le fil rouge étant la transmission d'un cadeau d'histoire en histoire. J'ai décidé de me rajouter un petit objectif personnel en plus : que le cadeau grossisse de texte en texte, passant de la taille d'une graine à celui d'une planète. Vous pourrez vous inscrire à la newsletter pour recevoir le texte du jour dans votre boîte mail. N'hésitez pas à commenter les textes, j'envisage de continuer ceux qui plaisent le plus. Bonne lecture ! 

Premier jour

L’ambiance dans la petite jardinerie de quartier évoquait plus la serre tropicale d’un fleuriste fou qu’un magasin où l’on pouvait acheter un bouquet pour la fête des mères. En apercevant la boutique de l’extérieur, on pouvait se demander si elle était réellement ouverte. En passant la porte, il fallait quelques instants pour s’habituer à l’odeur d’humus. Il y régnait une moiteur étouffante, on pouvait difficilement circuler sans heurter le coin d’une table, devoir écarter une liane ou quelques autres feuilles d’une plante qui se serait étendue hors de son pot. Mais la propriétaire, une petite mamie qui se déplaçait à l’aide d’une canne, adorait cette ambiance particulière, il faut dire que les plantes qu’elle vendait ne pouvaient pas orner tous les balcons. Elles étaient carnivores ! Elle avait toujours aimé les fleurs et les plantes en général, si bien que ce métier s'était imposé à elle, suite a sa reconversion : auparavant elle était botaniste mais en avait eu marre qu'on

Sixième jour

Sitôt que la pluie se fut arrêtée, un sifflement retentit en bordure sud de la clairière, tandis qu’à son exacte opposé se faisait entendre un son similaire. Les herbes hautes se mirent à bouger, comme si une armée s’y déplaçait. Un petit escadron jaunes et noirs d’éclaireuses volantes surgit du nord pour observer l’emplacement du champs de bataille. Tandis qu’au sud, les herbes s’écartèrent pour livrer passage à un régiment de scarabée poussant leur boule de fumier. L’armée fit son apparition, répartit en une douzaine de file indiennes derrière des fourmis combattantes. Mais au sud, une armée de couleur rouge était aussi en train d’organiser ses colonnes. Elle était accompagnée par une dizaine de coccinelles qui protégeaient ses flancs. Les hautes herbes continuaient de remuer, signe que tous les renforts n’étaient pas encore arrivés. Des battements d’ailes se firent entendre tandis que surgissait du couverts des arbres un papillon Paon-du-Jour sur lequel se tenait le général sudiste,