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Premier jour




L’ambiance dans la petite jardinerie de quartier évoquait plus la serre tropicale d’un fleuriste fou qu’un magasin où l’on pouvait acheter un bouquet pour la fête des mères. En apercevant la boutique de l’extérieur, on pouvait se demander si elle était réellement ouverte. En passant la porte, il fallait quelques instants pour s’habituer à l’odeur d’humus.
Il y régnait une moiteur étouffante, on pouvait difficilement circuler sans heurter le coin d’une table, devoir écarter une liane ou quelques autres feuilles d’une plante qui se serait étendue hors de son pot. Mais la propriétaire, une petite mamie qui se déplaçait à l’aide d’une canne, adorait cette ambiance particulière, il faut dire que les plantes qu’elle vendait ne pouvaient pas orner tous les balcons. Elles étaient carnivores !

Elle avait toujours aimé les fleurs et les plantes en général, si bien que ce métier s'était imposé à elle, suite a sa reconversion : auparavant elle était botaniste mais en avait eu marre qu'on lui demande de créer des fleurs qui n’existaient pas, aux couleurs plus originales, aux parfums plus entêtants. Pour elle, une fleur était par essence une chose éphémère. Des années auparavant, elle avait claqué la porte du labo, mais s'était rendu compte que ses expériences lui manquaient, si bien que dans son arrière boutique se trouvait son atelier personnel.
Les plantes carnivores étaient de petits miracles de la nature. C'est pour cette raison qu'elle les appréciait tant. Même si ses dernières tentatives d'hybridation n'avaient pas fonctionné, elle ne perdait pas l'envie de continuer. Ce qu'elle n'avait simplement pas remarqué était que sa dernière création avait entendu sa tige sur le sol en se reliant aux autres hybrides. Il faut dire que le sol sauf à quelques endroits était recouvert de prises de notes, de terreau ou de pots d'argile vides.

Une fleur était née de l'union des deux plantes. Elle avait une apparence particulière : un croisement entre une Dionea et une Sarracenia. Il lui fallut quelques semaines pour atteindre une taille respectable. Elle se nourrissait en attirant à elle, les mouches et toutes sortes d'insectes qui profitaient de cette ambiance tropicale. Mais cela ne semblait pas la rassasier, elle semblait avoir toujours plus faim, en vint naturellement à se faire encore plus attirante, les autres plantes qui n'avaient pas cette capacité d'adaptation se mirent à dépérir, faute de nourriture. Une nuit un bruit de grignotage résonna dans le silence de la boutique, tandis qu'un nouveau prédateur entrait dans l'arène, ce qui n'était pas arrivé depuis fort longtemps.

La vieille botaniste quand elle se rendit compte de la situation essaya de mettre des pièges mais l'intrus semblait trop malin pour y succomber. Même le fait de surélever les pots n'empêcha pas l'intrus de s'y glisser. Elle songea à adopter un chat mais craignait que celui-ci ne cause davantage de ravages dans son monde miniature que l'intrus. La plante hybride avait elle aussi repéré l'intrus. Celui-ci dégageait un fumet appétissant. Si bien qu’elle eut tôt fait de modifier ses phéromones.

Quelques nuits plus tard, le silence fut à nouveau rompu par un froissement et un petit cri étouffé, tandis que l'intrus avait été pris au piège. La paix revint dans la boutique, tandis que le lendemain la vieille femme découvrait le corps inanimé de la souris entre les feuilles flétries de la plante. Elle eut un sourire en constatant que la nature trouvait parfois des solutions inattendues.

Un autre rongeur avait assisté à la mort de sa congénère, si bien qu'elle s'empara de l'étrange graine cubique que l'hybride avait rejetée à sa mort.

Commentaires

  1. Je le redis, j'adore ! Très bien amené, tu nous plantes bien l'ambiance (sans vouloir faire de jeu de mot stupide!) et je ne sais pourquoi, en te lisant, je pense à la citation de Jurassik Park "Life find a way"!

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    1. Oui, c'était prévu. J'adore cette licence !

      Merci pour ton commentaire. J'espère que la suite te plaira.

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  2. J'aime beaucoup la façon dont tu plantes le décor au début puis tu enchaînes avec le personnage de la botaniste; comme une entrée en scène. C'est élégant.
    La plante m'a fait penser aux plantes carnivores qu'on trouve dans Super Mario ^^

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    Réponses
    1. Merci. J'ai recu tes corrections par mail, je vais éditer le texte pour rajouter les majuscules ;)

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Présentation du projet

Bonjour à toi, Lecteur de passage, Pendant vingt-quatre jour, tu vas pouvoir parcourir une multitude d'univers différents. Bon voyage ! Genèse du projet : J'ai proposé à une amie écrivaine un premier projet. Nous choisissions cinq mots chacune, pour écrire chacune dix textes. L'objectif étant d'écrire sur le même mot mais sur deux sens différents. Ce projet est la suite du premier. Nous devions écrire vingt-quatre textes d'une seule page pour faire un calendrier de l'avent textuel. Le fil rouge étant la transmission d'un cadeau d'histoire en histoire. J'ai décidé de me rajouter un petit objectif personnel en plus : que le cadeau grossisse de texte en texte, passant de la taille d'une graine à celui d'une planète. Vous pourrez vous inscrire à la newsletter pour recevoir le texte du jour dans votre boîte mail. N'hésitez pas à commenter les textes, j'envisage de continuer ceux qui plaisent le plus. Bonne lecture ! 

Sixième jour

Sitôt que la pluie se fut arrêtée, un sifflement retentit en bordure sud de la clairière, tandis qu’à son exacte opposé se faisait entendre un son similaire. Les herbes hautes se mirent à bouger, comme si une armée s’y déplaçait. Un petit escadron jaunes et noirs d’éclaireuses volantes surgit du nord pour observer l’emplacement du champs de bataille. Tandis qu’au sud, les herbes s’écartèrent pour livrer passage à un régiment de scarabée poussant leur boule de fumier. L’armée fit son apparition, répartit en une douzaine de file indiennes derrière des fourmis combattantes. Mais au sud, une armée de couleur rouge était aussi en train d’organiser ses colonnes. Elle était accompagnée par une dizaine de coccinelles qui protégeaient ses flancs. Les hautes herbes continuaient de remuer, signe que tous les renforts n’étaient pas encore arrivés. Des battements d’ailes se firent entendre tandis que surgissait du couverts des arbres un papillon Paon-du-Jour sur lequel se tenait le général sudiste,